Démarche


Un atelier comme espace transitionnel tangible


Démarche et processus
Avec passion, je me suis formée aux Arts Plastiques et aussi, comme médecin, à la psychothérapie psychanalytique : ces deux pôles se catalysent pour nourrir mon activité créatrice. Mon atelier est une salle où le jeu est privilégié, un espace de transition tangible.

Entre imaginaire et réalité, entre corps et psyché, j’aborde les questions de survie collective et individuelle, de construction de l’identité, au travers des héritages transgénérationnels.
La diversité de mon travail illustre les différentes forces en permanent débat qui m’animent.

Certaines sculptures se voulant « à portée de main », offrent au spectateur la possibilité d’en explorer les multiples facettes et mises en dialogue.
Les tableaux constitués de découpes en relief peuvent, quant à eux, être perçus tant comme des sculptures que des peintures, nous emmenant dans différentes sphères simultanément.

CADRE POUR DEUX METIERS
J’ai toujours été une artiste, je suis aussi devenue une psychothérapeute. Ces deux identités se lient dans l’activité créatrice qui s’exprime dans mes deux métiers :
celle-ci consiste d’abord à poser un cadre pour me rendre disponible, me laisser toucher, en m’appuyant sur mon imaginaire. Il s’agit d’associer et faire de la place à un espace de jeu, un « espace transitionnel » entre le manifeste et un « ailleurs », intrapsychique. Ce travail de liaison, de symbolisation, contribue à mettre en formes et/ou en mots.

Ces « ingrédients » m’habitent dans mes deux métiers, font résonner en permanence mon référentiel psychanalytique et ma pratique artistique.
Ainsi le cadre renvoie-t-il à de multiples questions :
Quel cadre, pour quel.le patient.e ? A-t-on évolué dans un cadre étouffant, souple et capable de s’ajuster, peut-on vivre sans cadre du tout, avec quelles conséquences ? En quoi le cadre mis autour d’une œuvre va-t-il lui permettre de « tenir », ou va-t-il la transformer, la valoriser ou au contraire l’aliéner ? Mais son cadre, n’est-ce pas tout ce qui l’entoure ?

De fil en aiguille, mes réflexions mettent en évidence un travail constant de mise en lien, de perméabilité, d’échange et de rencontre entre mes deux pratiques. Aussi mon travail artistique me paraît être pour l’essentiel une activité de transformation des sensations, des perceptions diffuses ou informes, toujours issues de mon inconscient, en des formes concrètes, révélatrices d’un sens qui le plus souvent m’échappait auparavant.

ATELIER
Se relier, à soi, dans cet espace de l’intime, lieu du miroir. Pour toucher et saisir ce qui émerge, ce qui demande à prendre forme, à s’exprimer.
En thérapie, l’atelier se fait cabinet : il permet de se relier à soi, en présence de l’autre. Les mouvements transféro-contre-transférentiels permettent de s’ouvrir, accueillir, chercher, rencontrer, lier.

MATERIAUX
Pour mettre en forme les sources d’inspiration que sont mes affects, je me laisse appeler par la matière que je vais travailler. Car il y a toujours, dans ma démarche, la nécessité de faire cohabiter et de fédérer des éprouvés sensoriels (tactiles, visuels) et émotionnels. Mais on peut aussi y voir une rencontre avec l’ « autre »…Le matériau me précède et m’inspire, il est un levier pour me permettre de révéler quelque chose de singulier, la part de l’étranger qui m’appartient.

J’aime la rencontre entre les matériaux industriels – plexiglass (PMMA), métal–, à l’état brut – béton, plâtre – : ils sont reproductibles à l’identique, mécanisés, sans âme, froids, perfectibles
et les matériaux organiques – bois -, que je façonne artisanalement, pour allier machine et humain. Les formes peuvent évoquer des pièces mécaniques, introduisant ainsi l’idée du mouvement.
Rencontre entre les mondes technologiques et sensibles de l’humain. D’un côté la violence d’un monde qui s’impose, tels les héritages, de l’autre la part de liberté, de subjectivité qui nous permet de nous saisir de ce qui est imposé pour construire quelque chose d’unique. Pour s’approprier son destin. Et évoluer vers le plaisir de la répétition, créatrice de nouvelles formes.

QUETE
La quête me motive et m’extrait du temps qui passe en me mettant dans une nouvelle temporalité.
Celle d’un processus dans lequel il s’agit de trouver-créer des solutions. Comme en thérapie : être dans un temps à part qui est relié à d’autres… Ces temps superposés me mettent dans une « inquiétante étrangeté » potentiellement féconde.
Les solutions sont sources de plaisir, de joie, de satisfaction. Construire, au sens propre et figuré, est nourrissant, tout comme mettre en mouvement, donner vie.

SCENES
Mes tableaux, mes objets et scènes miniaturisées parlent de l’être – avec soi-même et avec le monde -, au travers de la narration, du relationnel, d’espaces de jeu, de ressentis. Mon travail invite le spectateur à participer et à se laisser porter par son imaginaire. Il stimule sa curiosité, éveille son plaisir à chercher et trouver, à jouer.
La transformation, le mouvement doivent faire partie de la création souvent modulable. Il y a des mises en dialogue, une histoire en train de se dérouler qui propose au spectateur d’explorer en miroir sa propre identité et sa place dans le monde.

PULSIONS
Bien-sûr il est aussi question de sexualité, de « vi-vre ». Les pulsions s’expriment, incitent à œuvrer, à condition d’être sublimées. Accueillir les éprouvés, se lâcher. Parfois sombrer et toucher…le fond. Se réanimer, avec les couleurs, en construisant, en inventant, en sublimant. Repartir, de l’avant, en découvrant les chemins de traverse…
C’est une suite de transformations. Le fil de la vie continue à se tisser.

TRACES
Graver sur une plaque transparente, sur l’invisible, des entités à peine perceptibles, des traces. On les devine. Et avec de la lumière, selon son orientation, une lecture devient possible…grâce à l’ombre projetée, mais décalée. Car il y a un espace entre ce qui est à peine visible et ce qui apparaît. Une distance, un vide, de l’air, une respiration. L’ombre projetée peut aussi troubler, rendre confuse la surface sur laquelle elle apparaît. Elle la modifie dans tous les cas.

POUR CONCLURE
Mon travail artistique aborde les questions de survie collective et individuelle, de construction de l’identité, au travers des héritages transgénérationnels qu’il s’agit de s’approprier, singulièrement.
L’atelier est ce lieu précis où se conjuguent métier et art, avec une nécessaire répétition. J’essaie, j’avance ou je chute, je renonce, fais le deuil, pour repartir sur ce chemin fait de mutations. Entre continuité et discontinuité. Animée par la pulsion épistémophilique, je cherche. La sublimation permet de rediriger les tensions internes et de découvrir cette joie de créer. Il y aura toujours ce qui échappe : quelque chose qui est là mais hors de mon champ, une poussée qui ne prendra jamais forme, qui me dépasse.

Cette approche dynamique crée une trajectoire intégrative de ce va-et-vient entre mes deux métiers, artiste et psychothérapeute. Je passe d’un cadre externe à un cadre interne, que cela soit seule avec moi-même ou dans une rencontre avec l’autre.
Entre fantasme et réalité, entre corps et psyché. Le temps en boucle du vivant, avec ses fantasmes, son passé, se conjugue avec le temps linéaire.
L’ensemble favorise le processus d’élaboration, de création.


Séries

DES-CONNEXIONS 2020 –

Jaune - Bois et acrylique

Les formes se rencontrent ou se quittent, à moins qu’elles ne dansent : le spectateur est libre de choisir. On pourrait voir dans cette série une métaphore autour de la transmission familiale : d’un vide naît une forme pleine, définie par les découpes de 3 masses. A son tour, elle devient un véritable moule pour recevoir ou formater 3 nouvelles entités similaires. D’où proviennent nos valeurs, nos comportements répétés de génération en génération ? Qu’en fait-on ? En choisissant délibérément ces 4 silhouettes et en les faisant jouer entre elles, je questionne la part de liberté et de variabilité au sein de la répétition. Est-elle celle qui procure du plaisir en permettant de créer un écart et ainsi de la différenciation entre ceux qui semblent a priori « mêmes » ? Ou est-elle fixité mortifère qui ne permet aucun interstice, qui conduit à la compulsion de répétition à l’identique, à l’indifférenciation ? Le choix d’utiliser des découpes et du relief permet d’ouvrir des espaces supplémentaires, qui font de ces tableaux tant des peintures que des sculptures, nous emmenant ainsi dans différentes sphères simultanément.

L’INITIAL(E) 2001-

Les Initiales conversent - Acrylique, Bronze, Modulable, Multiples, Plâtre - 13x9x8 - 2020

C’est souvent dans l’après-coup que le sens se formule. Cependant, une de mes lignes de démarche, baptisée « L’Initial », qui joue avec une forme géométrique de base, a débuté avec une idée : celle d’exprimer mon désir de créer et de m’affranchir de certains cadres. Elle s’est à imposée à l’initiation de mon engagement artistique. Au départ (c’était un panneau découpé, en 2-D) je voulais ainsi représenter 2 poussées, forces de résistance (à une pression étouffante), complétées d’une force figurée « en boule », pleine de potentiel, de devenir, mais encore contenue, enfermée. Cette forme horizontale et plane a ensuite été conçue en 3 dimensions, lui permettant dès lors de bouger, de « se lever », tel un personnage se subjectivant. La reprise de la forme en 2D, découpée dans des petits panneaux de bois ou d’acier et reproduite en multiples, a permis d’infinies possibilités métaphoriques : la « forme-individualité » s’est ainsi retrouvée parfois prise dans le « moule » du puzzle de ses semblables, au sol, mais cherchant aussi à s’en échapper. Cette forme de base a évolué dans les peintures, s’associant avec d’autres « formes-individualités » complémentaires dont les ajustements se décident avec soin. Il y est question de rencontres, de contact ou d’absence de contact, de quête et d’ouverture mais aussi d’enfermement. Ce n’est que dans l’après-coup que j’y ai vu la ressemblance de la forme initiale avec la lettre C, celle de mes premières initiales : (Christine Chambon). Je constate depuis plusieurs années qu’il y a en moi un retour irrésistible vers ces formes. Elles reviennent, comme des mantras, elles sont miennes, identitaires, je les cajole et elles me font du bien, me calment. Recherche d’emboitements, d’équilibre, raison pour laquelle, peut-être je peine à mettre des diagonales, comme si, alors, une chute pouvait se produire…

Au travers de ces jeux d’ombres et de lumière, se révèlent, comme par magie, différentes perceptions, peut-être un langage, du sens et donc aussi des questions. Sans lumière, pas d’ombre, mais pas de traces visibles. Alors peut-être restent des taches aveugles, comme celles qui nous font agir sans conscience. Et parfois la lumière fait apparaître des traces qui empiètent sur une entité.

Les différentes métaphores possibles sont porteuses de multiples sens, notamment autour de nos origines, de ce qui nous a été transmis et de notre identité :
Qu’est-ce qui nous singularise, qu’est-ce qui nous subjective, qu’elle est notre marge de manœuvre ?

Nos héritages, telles des marques, sont des traces en nous, parfois à peine visibles. Quand la lumière se fait sur eux, ils se révèlent, ils sont décryptés. Et, selon l’orientation singulière de notre regard, selon nos possibilités, nous constaterons à quel point ils « font de l’ombre » à notre être, notre identité, et/ou à quel point ils contribuent à notre construction, à nous révéler nous-mêmes, nous permettant de nous connaître, de nous rencontrer.

ENTRE-JE(U) 2015-

Bonhomme couché - Acrylique, Crayon, Feutre sur papier - 146x67 - 2016

Sur des fonds abstraits m’apparaissent des formes que je surligne, comme des rêves, bribes d’inconscient, projetés sur un miroir. le spectateur peut, à son tour, y découvrir ses propres images.

TRANSITIONS 1975-

Pulsimobiles - Béton, Bois, Plastique - 11x41 chacune - 2014

Il s’agit de réorientations de destins d’objets ou de matériaux qui m’inspirent d’emblée. Une nouvelle vie s’offre à eux…

ALTERITES 2005-

Diane 4 - Aquarelle, Encre - 19x29 -2006

Sortes de portraits et d’allégories où les techniques et matériaux varient selon l’inspiration produite par le modèle ou le thème.