C’est souvent dans l’après-coup que le sens se formule. Cependant, une de mes lignes de démarche, baptisée « L’Initial », qui joue avec une forme géométrique de base, a débuté avec une idée : celle d’exprimer mon désir de créer et de m’affranchir de certains cadres. Elle s’est à imposée à l’initiation de mon engagement artistique. Au départ (c’était un panneau découpé, en 2-D) je voulais ainsi représenter 2 poussées, forces de résistance (à une pression étouffante), complétées d’une force figurée « en boule », pleine de potentiel, de devenir, mais encore contenue, enfermée. Cette forme horizontale et plane a ensuite été conçue en 3 dimensions, lui permettant dès lors de bouger, de « se lever », tel un personnage se subjectivant. La reprise de la forme en 2D, découpée dans des petits panneaux de bois ou d’acier et reproduite en multiples, a permis d’infinies possibilités métaphoriques : la « forme-individualité » s’est ainsi retrouvée parfois prise dans le « moule » du puzzle de ses semblables, au sol, mais cherchant aussi à s’en échapper. Cette forme de base a évolué dans les peintures, s’associant avec d’autres « formes-individualités » complémentaires dont les ajustements se décident avec soin. Il y est question de rencontres, de contact ou d’absence de contact, de quête et d’ouverture mais aussi d’enfermement. Ce n’est que dans l’après-coup que j’y ai vu la ressemblance de la forme initiale avec la lettre C, celle de mes premières initiales : (Christine Chambon). Je constate depuis plusieurs années qu’il y a en moi un retour irrésistible vers ces formes. Elles reviennent, comme des mantras, elles sont miennes, identitaires, je les cajole et elles me font du bien, me calment. Recherche d'emboitements, d'équilibre, raison pour laquelle, peut-être je peine à mettre des diagonales, comme si, alors, une chute pouvait se produire... Au travers de ces jeux d’ombres et de lumière, se révèlent, comme par magie, différentes perceptions, peut-être un langage, du sens et donc aussi des questions. Sans lumière, pas d’ombre, mais pas de traces visibles. Alors peut-être restent des taches aveugles, comme celles qui nous font agir sans conscience. Et parfois la lumière fait apparaître des traces qui empiètent sur une entité. Les différentes métaphores possibles sont porteuses de multiples sens, notamment autour de nos origines, de ce qui nous a été transmis et de notre identité : Qu’est-ce qui nous singularise, qu’est-ce qui nous subjective, qu’elle est notre marge de manœuvre ? Nos héritages, telles des marques, sont des traces en nous, parfois à peine visibles. Quand la lumière se fait sur eux, ils se révèlent, ils sont décryptés. Et, selon l’orientation singulière de notre regard, selon nos possibilités, nous constaterons à quel point ils « font de l’ombre » à notre être, notre identité, et/ou à quel point ils contribuent à notre construction, à nous révéler nous-mêmes, nous permettant de nous connaître, de nous rencontrer.